La fondation «Nicolas Hulot» pour la nature et l'homme a présenté, hier, les premiers résultats de sa mission scientifique sur les îles Habibas. Les voyants ne sont heureusement pas au rouge... mais ils ne sont pas au «vert» non plus. Après quatre jours passés sur l'archipel, l'équipe scientifique de Nicolas Hulot a regagné le port d'Oran à bord de son voilier «Fleur de Lampaul», où, au siège de l'association des «Amis de la mer», elle a exposé les premières conclusions de son expertise de cette réserve marine, en présence du directeur de l'environnement de la wilaya d'Oran, d'une représentante du ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire ainsi que de représentants d'associations à caractère écologique et des universitaires.
Tour à tour, les huit chercheurs ont dressé un bilan succinct de leur séjour scientifique sur les îles Habibas, qui représente la 5ème mission du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ciblant ces îles dans le cadre d'un projet algéro-français, intitulé «la préservation et la promotion de la réserve des îles Habibas», co-financé par le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM). Concrètement, cette mission devra aboutir à un plan de gestion des îles Habibas, a tenu a souligné, hier, le coordinateur du Conservatoire français du littoral et chef de la mission, Fabrice Bernard. Et c'était l'expert en oiseaux (ornithologue) le premier à avoir survolé ses comptes rendus.
Première surprise inquiétante: aucun goéland d'Audouin n'a été constaté par les Français durant leur séjour sur les îles Habibas alors qu'un dernier recensement montre que ces îles accueillaient entre 7 et 8% de la population mondiale de cette espèce. S'agit-il d'une disparition de cette espèce des îles ou d'un grand déménagement dû par exemple à la fréquentation humaine du site ? L'ornithologue n'est pas sûr pour le moment, mais la situation est en tout cas préoccupante. L'herpétologue (spécialiste en reptiles), qui a rencontré plusieurs types de lézards sur Habibas, est convaincu quant à lui qu'il n'existe pas d'espèces de reptiles menacées à court terme mais interpelle néanmoins à la nécessité de préserver les habitats en général.
Pour sa part, la botaniste de l'équipe est inquiète par deux grandes menaces pesant sur la flore très fragile des îles, dont surtout l'unique espèce, le chou de Habibas: la surabondance des goélands puffins et la sur-fréquentation humaine. Le spécialiste en rats, lui, a collecté de précieuses données sur les îles en vue de mettre au point un dispositif anti-rat, une stratégie globale pour lutter contre l'invasion de ce rongeur nuisible, introduit par l'homme dans cette entité écologique censée être close.
Un dispositif basé sur la lutte par piégeage ou la lutte chimique, c'est selon, qui a été appliqué avec réussite dans 30 îles à travers le monde, a souligné le spécialiste. Ancien membre de Calypso du grand chercheur marin Cousteau, un scientifique, qui se remémore encore le souvenir d'avoir croisé un phoque moine durant une expédition aux îles Habibas en 1977 - photo présentée hier à l'appui -, a été chargé, lui, par la fondation de Nicolas Hulot d'une mission spéciale: les paysages et les communautés marins des îles habibas. En conclusion, la mission scientifique a relevé le potentiel énorme des îles Habibas avec des espèces patrimoniales bien présentes mais vulnérables et des absences étonnantes attribuées à l'effet pêche conjugué peut-être à l'effet «île».
Et de très beaux paysages, qui font des îles Habibas un joyau méditerranéen, selon les experts français. Par ailleurs, le directeur de l'environnement de la wilaya d'Oran a révélé, hier, qu'une cellule, la première du genre, du Commissariat national du littoral a été mise en place pour la préservation de la réserve classée des îles Habibas. Deux ingénieurs et 3 gardiens ont été recrutés au sein de cette cellule, a-t-il précisé. Rappelons enfin qu'une enveloppe de 3 millions d'euros avait été allouée à la concrétisation du projet des îles Habibas.
Par H.Saaïdia - Quotidien d'Oran - le 6 mai 2007.